Alerte au CVM, le composé qui empoisonne l’eau des campagnes
31 octobre 2017 / Lorène Lavocat (Reporterre)
- Parçay-les-Pins (Maine-et-Loire), reportage
La petite route serpente entre vergers et prairies, jusqu’en lisière de forêt. Là, quatre bâtisses en tuffeau dressent leur silhouette claire à travers les arbres. Un petit hameau « du bout du bout », comme le dit Bernadette Hubert, qui vit ici depuis une vingtaine d’années. Un pâté de maisons au bout du village de Parçay-les-Pins, lui-même situé dans un coin du Baugeois, une région reculée de l’Anjou, dans l’extrême nord-est du Maine-et-Loire.
L’isolement et la tranquillité, voilà ce qui a attiré la famille Coullouette dans cette campagne paisible en 2013. Atteinte d’un carcinome neuro-endocrinien — une tumeur maligne rare —, Anne vient alors de subir sa deuxième transplantation hépatique. Elle, son compagnon et leur fils ne cherchent qu’une chose : un havre de paix. Mais après un an de bonheur tranquille à planter des tomates et à récolter les pommes, une lettre de l’Agence régionale de santé (ARS) vient mettre fin à leur sérénité. L’eau qui coule par leurs robinets est contaminée et impropre à la consommation. Le nom du coupable ? Un certain chlorure de vinyle monomère.
« Cette pollution touche surtout les zones rurales, les maisons isolées, plutôt dans l’Ouest et dans le Nord »
Appelons-le CVM. Ce produit chimique de synthèse, très volatile, intervient dans la fabrication du PVC, un plastique très courant. « À partir des années 1950, les canalisations d’eau en plomb ont progressivement été remplacées par des canalisations en polychlorure de vinyle, ou PVC, explique Michel Joyeux, chercheur pour Eau de Paris et coauteur d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur le CVM. Or, jusqu’en 1980, le procédé de fabrication était tel que des molécules de chlorure de vinyle étaient retenues en quantité importante dans les canalisations, et pouvaient ensuite migrer dans l’eau potable. » Problème, ajoute M. Joyeux : « Le CVM est un toxique connu depuis longtemps. » Il est notamment classé dans le groupe 1, « cancérogène certain pour l’homme », par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), depuis 1987. « C’est un facteur de risque avéré pour l’angiosarcome hépatique, un cancer du foie rare et de très mauvais pronostic », précise l’Institut de veille sanitaire dans sa note de position de 2010. Une dizaine de cas par an en France. En 2005, l’Agence nationale de santé (Afsa) estimait que pour 100.000 personnes exposées durant leur vie au chlorure de vinyle à des doses supérieures ou égales à 0,5 μg/l, on pourrait craindre 4 à 5 cancers du foie directement liés. Quant au lien entre le CVM et les autres tumeurs hépatiques plus répandues (7.600 cas par an pour le carcinome hépatocellulaire), rien n’est avéré, mais « il pourrait être un facteur de risque ». C’est peu, mais suffisant pour inquiéter le gouvernement, qui demande des contrôles de présence du CVM dans l’eau potable dès 2007.
Un très très grand merci et bravo à Lorène Lavocat, journaliste douce et investie pour REPORTERRE, média libre et indépendant (à soutenir!), pour son travail riche, précis et à la portée de tous... Merci, bisous, merci!
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